Ces temps-ci, je parle souvent d'agrafeuses. Étrange non?
En fait j'en parle parce que j'en ai dessiné une plusieurs fois. Sur des feuilles A4, A3 et même du format raisin (65×50 cm).
Pourquoi? me demanderez-vous.
Pour la bonne et simple raison qu'on me l'a demandé. Oui, je n'aurais jamais eu la sombre et saugrenue idée de dessiner mon agrafeuse.
Mais quel est cet étrange individu qui se permet de demander ce genre de chose, et surtout pourquoi?
Le coupable est Dominique Simon, professeur d'arts graphiques à l'école Émile Cohl à laquelle je suis des cours du soir les mercredis. C'est plus clair maintenant hein?
Bon, mais on est en droit de se demander quel est l'intérêt de dessiner une chose aussi peu intéressante qu'une agrafeuse. Quel est l'intérêt artistique?
La réponse est aucun intérêt artistique. En effet, je ne vais pas à ce cours pour apprendre à faire de l'art, mais à dessiner. C'est-à-dire à être capable de reproduire le plus fidèlement possible ce que l'on peut observer. Et pour apprendre le dessin, la seule solution est de pratiquer. Personne ne nait en sachant dessiner une agrafeuse. D'ailleurs même les meilleurs dessinateurs ont fait des gribouillons quand ils étaient petits. La maitrise du dessin ne s'acquiert que par la pratique.
En réalité il nous avait demander de dessiner une agrafeuse, une perforeuse, un arrache-agrafe ou un scotch et son vidoir. En gros, de petits objets, d'une certaine complexité.
De plus, le type de dessin demandé était un dessin très construit, chaque proportion devait être évaluée par un tracé très fin et léger. Pour cela on utilisait un crayon 2H : une mine dur est plus résistante à l'usure, donc on garde un trait fin plus longtemps, et on peut corriger plusieurs fois un trait en passant dessus sans que celui-ci ne devienne trop sombre (la gomme étant proscrite).
Non seulement le dessin devait être construit, mais on devait voir apparaitre tous les éléments de l'objet, même ceux que l'on ne voyait pas. Comme si l'objet était en verre.
On pourrait se demander alors comment deviner ce que l'on ne voit pas. En fait, le dessin d'objet nécessite une première étape d'observation. Il faut prendre l'agrafeuse, la regarder dans tous les angles, l'ouvrir, comprendre son fonctionnement, démonter les parties démontables. Bref, il faut vraiment saisir les différents volumes composant l'objet et leurs interactions (axes de rotations, de symétrie,...).
Ensuite, on pose l'objet sur un plan en évitant de le mettre de face ou de profil. Pour mettre en évidence les volumes, il faut travailler en ¾.
Le premier problème qui se pose à cette étape, c'est de parvenir à dessiner le plus gros possible sans pour autant dépasser de la feuille. La solution est d'évaluer le cadrage du dessin. Il faut parvenir à mesurer le ratio (longueur/hauteur) du cadre dans lequel s'inscrit l'objet selon le point de vu de l'observateur. Pour cela on peut utiliser un crayon (ou une aiguille à tricoter) pour évaluer le rapport des longueur, ou utiliser eux L en papier assez épais (plus facile à manipuler).
Une fois le cadre le plus gros possible évalué et dessiné, il faut tenter de voir où l'objet rentre en contact avec ce cadre. Connaitre ces points va déjà nous permettre de sortir la forme global de l'objet.
Ensuite, il faudra construire chaque volumes en vérifiant à chaque fois leurs proportions par rapport au reste de l'objet, et constamment contrôler si l'interaction entre les divers éléments est respectée.
Enfin, quand on est satisfait de la construction, on repasse les traits visibles au HB.
Bref, c'est un travail très fastidieux, mais il permet d'éduquer l'œil dans l'observation des proportions souvent difficile à évaluer sur de petits objets, et encore plus difficile à reproduire sur de grands formats. Dessiner en grand aide aussi à travailler l'agilité de la main en se forçant à tracer des traits en une fois (et pas une série de traits mis bout à bout).
Quoiqu'il en soit, s'améliorer dans ce domaine permet de progresser dans le dessin en général, car l'œil aussi bien que la main sont les deux outils que l'on doit entrainer pour progresser.